Y a-t-il un âge où il est plus facile pour les enfants que leurs parents se séparent ?

ITW Psychologies - propos recueillis par Claire Séjournet

Certains parents décident de rester ensemble jusqu’à ce que le petit dernier ait atteint tel ou tel âge, généralement symbolique. L’idée est de préserver les enfants, en maintenant une unité familiale de façade. Ce n’est pas donné à tous, car les conjoints doivent être capables de se supporter et de se parler sereinement et régulièrement.

« L’enfant nait de l’unité du couple, rappelle le Dr Anne Raynaud, psychiatre et auteure de La sécurité émotionnelle de l'enfant (éditions Marabout). Il est normal de traverser une période compliquée quand l’unité éclate. » Pour autant, « si la cohabitation pas source de conflit, les parents peuvent décider de rester ensemble pour l’enfant ».

Très jeune, un enfant n’est pas capable de recul sur la situation

Lorsque l’enfant est très jeune, choisir de cohabiter est une solution qui tient particulièrement compte de la sécurité émotionnelle de l’enfant. On sait en effet avec la théorie de l’attachement et le concept des 1000 jours qu’il est important pour l’enfant d’avoir ses deux figures d’attachement principales à ses côtés dans ses premières années.

Il est d’ailleurs faux de croire que se séparer lorsque l’enfant est tout petit serait plus facile pour lui puisqu’il ne grandira pas avec des souvenirs de ses parents ensemble : « tout en étant extrêmement relié à son environnement, plus un enfant est petit, moins il met du sens sur ce qu’il vit, souligne le Dr Anne Raynaud. Être soudainement privé d’un de ses parents est donc plus difficile à comprendre pour le jeune enfant que pour un adolescent par exemple. Dans une certaine mesure, ce dernier arrive à mettre des mots sur ce qu’il vit et à faire la part des choses. Un bébé en est incapable. »

Enfants et pré-adolescents : une soif d’équité entre les parents séparés

« Entre 8 et 12 ans, les enfants sont très sensibles à la justice, à la recherche d’équité, pointe Sabrina de Dinechin, médiatrice familiale. Ils veulent donc être égaux entre leurs deux parents et cherchent à faire autant plaisir aux deux. S’ils font un dessin à l’un, ils veulent faire un dessin à l’autre par exemple. » Ils peuvent également se sentir coupables envers le parent avec lequel ils ne passent pas le week-end et s’inquiéter que celui-ci soit triste et seul. Il est alors important de les rassurer.

Les adolescents, moins insensibles qu’on pourrait le croire

« La réaction d’un adolescent face au divorce de ses parents peut être assez variable, pointe le Dr Anne Raynaud. Certains arrivent à faire la part des choses, mais d’autres font semblant que ça ne le touche pas, partent en claquant la porte ou prennent partie et font la morale à leurs parents. » Il est important de maintenir un dialogue avec son grand enfant dans tous les cas. Mais dans le dernier, la psychiatre recommande de mettre des limites et de dire clairement « ça ne te regarde pas, c’est une histoire entre papa [ou maman] et moi ».

Pour aller plus loin

Faut-il impliquer les enfants dans la discussion ? Avec l’âge, un enfant peut comprendre certaines choses, mais il n’a pas à être impliqué dans les choix de vie de ses parents. Néanmoins, précise le Dr Raynaud, il faut « tenir son enfant au courant, car c’est important pour lui de le savoir, mais sans l’impliquer dans les décisions ». Pour les plus grands, nuance Sabrina de Dinechin, « on peut envisager qu’ils aient une voix consultative sur certaines questions, mais certainement pas décisive ».

L’essentiel est de maintenir un couple parental fort

« Même après un divorce, on peut réussir son couple parental ! », assure le Dr Raynaud, qui reçoit régulièrement en consultation des couples séparés qui forment « une formidable équipe parentale ».

Pour la psychiatre, le facteur âge n’est finalement pas le plus important dans la décision de se séparer : « c’est l’ampleur du conflit entre les parents qui compte, pas l’âge de l’enfant. La question centrale, c‘est ‘est-ce que l’équipe parentale est assez responsable pour offrir un environnement stable à l’enfant et fait donc en sorte de ne pas avoir des relations conflictuelles ?’. S’il y a conflit, c’est délétère de rester. S’il n’y a pas conflit, le fait de prendre en compte que l’enfant a besoin de ses deux parents montre l’attention que l’on porte à son bien-être ».


Pour aller plus loin :

Le Dr Anne Raynaud est psychiatre et auteure de La sécurité émotionnelle de l'enfant (éditions Marabout).

Sabrina de Dinechin est médiatrice familiale, elle a écrit plusieurs ouvrages, dont Rester parents après la séparation (éditions Eyrolles).