Donner le juste poids aux attentes parentales

ITW sur le Journal La Croix

Entretien

La Croix : Dans quelle mesure les attentes parentales influent-elles sur le choix de notre conjoint ?

Sabrina de Dinechin : Même si la société change, avec peut-être une plus grande volonté de voir nos enfants se fondre dans la masse, la pression demeure forte dans certains milieux. Les parents vont signifier ouvertement ou implicitement à leur fils ou à leur fille leur souhait de les voir épouser une personne qui partage leurs valeurs, qui évolue dans les mêmes cercles. Et des attentes de ce type sont susceptibles de peser sur la constitution du couple.

Elles sont clairement susceptibles de générer conflits conjugaux ou intergénérationnels. J’ai en tête l’exemple d’un homme qui avait épousé une jeune femme charmante cochant toutes les cases et qui, quinze ans plus tard, est tombé en dépression. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait et a fini par prendre conscience qu’il s’était oublié, que ses choix n’étaient pas les siens. Son couple, fatalement, a explosé.

À l’inverse, je pense à une mère très catholique, très croyante, qui souffre terriblement de voir son fils de 25 ans avoir une vie de couple, sans s’être marié, avec une compagne qui vient d’un tout autre horizon. Sa crainte, ni plus ni moins, est celle de « perdre » son fils. Et il lui faut apprendre à lâcher prise.

Des attentes démesurées risquent-elles de nous empêcher de rencontrer l’amour ?

S. D. : Je reçois effectivement des personnes qui restent célibataires parce qu’elles ne parviennent pas – c’est ce qu’elles ressentent – à trouver la femme ou l’homme qui correspondrait au portrait-robot dressé par leurs parents… Un peu comme si elles avaient mal interprété le 4e Commandement, qui veut que l’on honore son père et sa mère.
Il ne s’agit de pas de faire tout ce que disent les parents mais de leur donner le juste poids, de faire la part des choses dans ce qu’ils proposent, entre le bon et le moins bon pour soi.

Est-il néanmoins légitime de nourrir des attentes vis-à-vis de la vie affective, conjugale, parentale de ses enfants ?

S. D. : Il n’est pas illégitime d’avoir des attentes, qu’on exprime y compris implicitement en donnant l’exemple avec notre propre couple. Mais la frontière est parfois ténue entre avoir avec son enfant une discussion sur les valeurs, les idéaux, les objectifs qu’on peut se fixer dans la vie, et une attitude revenant à les lui imposer.

Car entrent souvent en jeu des questions de loyauté, de culpabilité, voire de dépendance affective, quand par exemple on se sent déchiré entre son épouse et sa mère. Respecter la liberté de l’enfant, c’est reconnaître que ce que je pense bon pour moi, parent, ne l’est pas nécessairement pour lui. C’est reconnaître son altérité. Il s’agit de lui donner un maximum de cartes à jouer et puis de le laisser choisir.

https://www.la-croix.com/Famille/Donner-juste-poids-attentes-parentales-2020-11-10-1201123982